L’immigration et la langue française: assez, les voeux pieux!

L’immigration et la langue française: assez, les voeux pieux!

Montréal, 11 février 2016 ─ Les audiences sur le projet de loi 77 portant sur l’immigration au Québec se terminent cette semaine. Pour Partenaires pour un Québec français (PQF), l’élaboration d’une nouvelle loi était l’occasion attendue pour effectuer les révisions nécessaires en vue de favoriser une immigration en phase avec le développement social, économique et culturel du Québec.

Malheureusement, le projet de loi sur l’immigration comporte plusieurs zones d’ombre et contient un nombre important d’articles de loi dont les modalités d’application seront déterminées par règlements (34 en tout !). C’est donc dire qu’ils seront soustraits aux débats démocratiques de l’Assemblée nationale. De plus, le projet 77 a été déposé sans que les divers intervenants aient pu avoir préalablement accès à la nouvelle politique d’immigration qui aurait normalement dû baliser les éléments législatifs.

Outre ces angles morts, la mission de la nouvelle loi inquiète. Avec l’actuel gouvernement, un glissement s’opère vers une conception de l’immigration conçue comme un strict outil de recrutement de main-d’oeuvre. Comme en a témoigné à cet égard l’association Manufacturiers et exportateurs du Québec lors des audiences du projet de loi, nombre d’employeurs conçoivent l’immigration comme une source intarissable de travailleurs « clés en main », dont la francisation se produirait par processus spontané. Si nous sommes en accord avec le fait que l’immigration contribue au développement économique du Québec, nous croyons qu’il importe aussi d’assurer l’intégration des nouveaux arrivants à tous les aspects de la société québécoise.

L’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) dévoilait récemment que le Québec rate déjà tristement sa cible en matière de francisation. Alors que l’immigration se concentre à 86 % sur l’île de Montréal, 40 % des petites entreprises de la métropole exigent l’anglais pour tous leurs postes affichés et 31 % pour plusieurs de leurs postes. Encore à Montréal, la proportion d’individus travaillant dans le secteur privé généralement ou uniquement en français est passée de 62,5 % à 43,7 % entre 1997 et 2010. En 2010, seulement 12 % des travailleuses et des travailleurs utilisaient seulement le français au travail.

Nous nous serions attendu à ce que la nouvelle Loi sur l’immigration permette au gouvernement du Québec de faire en sorte que l’immigration favorise la pérennisation de la langue française.

Dans les faits, nous constatons que peu d’efforts sont mis en avant. Au contraire, le projet de loi reste timide quant à la maîtrise du français pour les catégories de travailleurs temporaires étrangers ainsi que pour les travailleurs économiques. De plus, il atrophie les responsabilités du ministre quant au maintien des programmes d’intégration et à la dispensation de services d’intégration linguistique.

Nous croyons que pour assurer la vitalité du français ainsi que l’intégration harmonieuse de nouveaux citoyens, le gouvernement du Québec doit faire plus. Il doit consacrer les efforts nécessaires pour vérifier que le critère du français comme langue d’usage est respecté lors du recrutement et de la sélection des immigrants.

De plus, les compensations financières offertes aux étudiantes et étudiants pour participer aux cours de francisation à temps plein devraient être bonifiées pour être plus attrayantes. Elles devraient aussi être offertes aux étudiantes et étudiants qui assistent aux cours de francisation donnés par les commissions scolaires. Pour les immigrants déjà en milieu de travail, les cours de francisation en entreprise offrent une avenue intéressante et adaptée aux nouveaux arrivants. Malheureusement, les coupes opérées par ce gouvernement libéral champion de l’austérité se conjuguent difficilement avec le besoin criant de développer une offre de cours accessible et adaptée.

Comme beaucoup de Québécoises et de Québécois, nous croyons que l’intégration des nouveaux immigrants à la société québécoise passe par la connaissance du français comme langue commune. Madame la Ministre, l’heure n’est plus aux voeux pieux, mais aux actions et aux mesures structurantes pour vitaliser le français. De nos rêves naît le possible !

* Ont signé ce texte : Daniel Boyer, président de la FTQ, Jacques Létourneau, président de la CSN, Louise Chabot, présidente de la CSQ, Lucie Martineau, présidente du SFPQ, Sylvain Mallette, président de la FAE, Antoine Côté, président de la FECQ, Maxime Laporte, président général de la SSJB, Martine Desjardins, présidente du MNQ, Christian Rivard, président du MQF, Pierre Graveline, directeur général de la Fondation Lionel-Groulx.