Langue française et environnement de travail
Au Québec, la Charte de la langue française édicte le droit de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs d’exercer leurs activités en français (article 4). Hélas, les statistiques nous apprennent que même si la majorité des Québécoises et des Québécois peuvent travailler en français, l’anglais prend de plus en plus d’espace, et ce, particulièrement à Montréal.
Selon l’Office québécois de la langue française, le nombre de Montréalais utilisant l’anglais et le français est de 10 %. Par ailleurs, la proportion de personnes travaillant le plus souvent en français, mais qui utiliseront aussi régulièrement l’anglais, est de 26,8 % au Québec, de 30 % dans la couronne de Montréal et de 45 % sur l’île de Montréal.
En plus du droit pour les travailleurs de travailler en français, les entreprises ont aussi des obligations quant à la francisation des lieux de travail. Entre autres, les entreprises employant pendant au moins six mois plus de 50 personnes ont l’obligation de s’inscrire dans une démarche de francisation. Les entreprises employant plus de 100 personnes, elles, ont l’obligation d’instituer un comité de francisation paritaire qui aura comme responsabilité de procéder à une démarche de francisation.
Les comités de francisation sont une importante source de motivation pour l’utilisation de la langue française. Malheureusement, nous constatons de plus en plus un manque de considération des travaux des comités au profit de l’unique prise en compte des employeurs. En effet, des certificats de francisation ont pu être remis à des entreprises sans consultation des travailleurs pourtant aux premières loges pour juger de la francisation de leur environnement de travail. D’ailleurs, selon une enquête interne à la CSN réalisée en 2016, plusieurs irrégularités quant au respect des obligations des employeurs reliées aux comités de francisation ont été identifiées.
Partenaire pour un Québec français demande :
- Que l’Office québécois de la langue française ait expressément le mandat de s’adresser directement aux membres des comités de francisation;
- Que soit exigée la signature de tous les membres du comité de francisation sur l’ensemble des documents qui sont soumis à l’Office, tels que le rapport de mise en œuvre (ou rapport d’étape) ainsi que le rapport triennal;
- Qu’il y ait un comité de francisation par établissement. Dans une entreprise où il y a plus d’un établissement, les parties peuvent convenir d’un comité multiétablissements;
- Que les entreprises de 50 à 99 employé-es soient assujetties aux dispositions concernant les comités de francisation. Dans ces entreprises, le comité de francisation serait composé d’au moins quatre personnes, dont la moitié serait des représentants des travailleurs et des travailleuses;
- Qu’un processus de francisation allégé s’applique aux entreprises de 25 à 49 personnes, qui consisterait à fournir à l’Office québécois de la langue française, tous les trois ans, une analyse de leur situation linguistique portant sur quelques-uns des éléments de francisation prévus à l’article 141, soit :
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- l’augmentation, s’il y a lieu, à tous les niveaux de l’entreprise, y compris au sein du conseil d’administration, du nombre de personnes ayant une bonne connaissance de la langue française de manière à en assurer l’utilisation généralisée;
- l’utilisation du français comme langue du travail et des communications internes;
- une politique d’embauche, de promotion et de mutation appropriée.
- Que dans les entreprises comptant moins de 25 personnes, l’OQLF ait recours aux dispositions de l’article 151 de la Charte lui permettant d’exiger d’une entreprise la production d’une analyse de la situation linguistique afin d’apporter les correctifs qui s’imposent. Cet article devrait être amendé de manière à permettre à l’Office de procéder sans l’approbation du ministre et sans avoir à publier dans la Gazette officielle du Québec;
- Que l’Inspecteur général des institutions financières (IGIF) soit mandaté pour donner aux entreprises de toutes tailles situées au Québec, lors de leur inscription, une première information sur leurs obligations à l’égard de la francisation et fasse par la même occasion connaître aux employeurs les ressources disponibles en francisation.
Exigence de l’anglais à l’embauche
Si une tendance lourde se fait sentir quant à l’exigence de l’anglais lors des processus d’embauche, peu de données existent pour le confirmer. Dans les petites entreprises de la région métropolitaine de Montréal, le français est majoritairement exigé pour l’embauche, mais la connaissance de l’anglais est aussi de plus en plus demandée. Ainsi, en 2008, les trois quarts des petites entreprises de l’île de Montréal ont exigé l’anglais au moment de pourvoir leurs postes. De ce nombre, 40 % ont déclaré l’avoir exigé pour tous les postes. Au Québec, 53 % des petites entreprises exigent l’anglais, dont 19 % pour tous leurs postes.
Ces données amènent à penser que les employeurs ne respectent pas toujours l’article 46 de la Charte qui stipule pourtant qu’il est « interdit à un employeur d’exiger, pour l’accès à un emploi ou à un poste, la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une langue autre que la langue officielle, à moins que l’accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance ».
La bilinguisation des individus pousse nécessairement plusieurs à utiliser davantage l’anglais dans la sphère publique. Ainsi, près de 6,7 % des francophones bilingues de la région métropolitaine de Montréal utiliseront l’anglais dans l’espace public. Cette proportion grimpe à 13,5 % pour les allophones francotropes bilingues et à 27,7 % chez les allophones anglotropes bilingues.
Partenaire pour un Québec français demande :
- Que lors de l’analyse de la situation linguistique pour l’obtention du certificat de francisation et lors du rapport triennal, l’entreprise doit indiquer sur les documents remis à l’OQLF, tous les postes où il y a exigence ou un niveau de connaissance spécifique d’une autre langue que la langue officielle et les raisons la justifiant;
- Qu’une commission d’étude sur la langue soit instaurée incessamment avec la participation des intervenants syndicaux et patronaux; que cette commission revoie notamment l’ensemble du processus visant à garantir que l’embauche, interne et externe, respecte le droit fondamental de travailler en français.
Des exceptions de trop
Dans le cas des sièges sociaux et des centres de recherche, l’article 144 de la Charte prévoit des mesures d’assouplissement quant à l’application des programmes de francisation et peut permettre l’utilisation d’une autre langue que le français comme langue de fonctionnement.
Partenaire pour un Québec français demande :
- Que les dispositions relatives aux ententes particulières soient abolies et que les programmes réguliers de francisation s’appliquent à tous les secteurs de l’entreprise.
Les entreprises de compétence fédérale (exemple : moyens de transport ou de communication) ne sont pas assujetties aux obligations de la Charte de la langue française. Cette exception brime de nombreux Québécois et Québécoises de leur droit de travailler en français.
Partenaire pour un Québec français demande :
- Que toutes les entreprises de compétence fédérale installées sur le territoire québécois soient assujetties intégralement à la Charte québécoise de la langue française;
- Que le point 22 de la Politique gouvernementale relative à l’emploi et à la qualité de la langue française dans l’administration soit étendu aux entreprises de compétence fédérale sur le territoire du Québec. Concernant les entreprises de compétence fédérale, celles-ci auront cinq ans pour se conformer intégralement à la Charte québécoise de la langue française.