Le bilinguisme institutionnel
Du français, langue officielle…
Dans tous les pays du monde, du fait de l’importance des institutions publiques au sein de nos sociétés, les États influencent grandement l’aménagement linguistique. D’ailleurs, quelque 400 pays, États fédérés ou territoires légifèrent déjà directement en matière linguistique.
Ici, dans notre coin d’Amérique du Nord, l’avenir du français est loin d’être assuré. Voilà pourquoi le gouvernement du Québec a un rôle de premier plan à jouer pour en soutenir la vitalité. Un tournant historique a été entrepris en ce sens à compter de 1977 avec l’adoption de la Charte de la langue française, sur l’initiative du ministre d’État au développement culturel du premier gouvernement Lévesque, Dr Camille Laurin.
Dans le préambule de la Charte de la langue française – la Loi 101 –, l’Assemblée nationale se déclarait ainsi « résolue à faire du français la langue de l’État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires ».
Trois ans après l’adoption du projet de loi 22 par le gouvernement Bourassa, le français était appelé à concrètement devenir la seule langue officielle du Québec avec l’adoption de la loi 101. À cet égard, le préambule de la Charte de la langue française précisait ce qui suit :
L’Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif dans un esprit de justice et d’ouverture, dans le respect des institutions de la communauté québécoise d’expression anglaise et celui des minorités ethniques, dont elle reconnaît l’apport précieux au développement du Québec.
L’Assemblée nationale reconnaît aux Amérindiens et aux Inuit du Québec, descendants des premiers habitants du pays, le droit qu’ils ont de maintenir et de développer leur langue et culture d’origine.
Ces principes s’inscrivent dans le mouvement universel de revalorisation des cultures nationales qui confère à chaque peuple l’obligation d’apporter une contribution particulière à la communauté internationale.
…au bilinguisme institutionnel
Puisque le français est la langue officielle du Québec depuis quatre décennies, on serait en droit de s’attendre à ce que le gouvernement québécois se montre exemplaire en matière de protection et de promotion de la langue française. En effet, comme l’a rappelé le Conseil supérieur de la langue française :
L’État, dans toutes ses composantes, doit lui-même respecter l’ensemble des éléments de la politique linguistique qui le concernent. Cela est nécessaire pour que cette politique ait tous les effets voulus et qu’elle acquière et conserve toute la légitimité qui lui revient aux yeux de la population. De plus, l’exemple de l’État peut avoir un effet d’entraînement non négligeable dans la francisation de plusieurs secteurs d’activité.
Au sein des ministères et organismes publics, faute de directives claires en ce sens, c’est pourtant le bilinguisme institutionnel qui règne trop souvent dans la pratique. Bien des travailleurs et travailleuses du secteur public québécois deviennent alors, malgré eux, des arbitres de la langue tiraillés entre le service dans la langue officielle et l’« approche client » promue par les gestionnaires…
Dès lors, l’État québécois bilinguise ses institutions en vue d’offrir un service en anglais à toute personne pouvant donner l’impression d’exprimer une préférence pour la communication dans cette langue. Il ne s’agit donc plus de desservir la communauté historique anglophone par l’entremise de ses institutions municipales ou de ses établissements d’enseignement, de santé et de services sociaux, soit les exceptions à l’unilinguisme français reconnues par l’article 29.1 de la Charte. Il s’agit plutôt de traiter institutionnellement toutes les personnes immigrantes préférant utiliser l’anglais au français comme faisant partie d’emblée de la communauté d’expression anglaise.
Au lieu de devenir l’acteur central de la francisation – et donc de l’intégration, l’État québécois se bilinguise et devient alors agent majeur d’anglicisation. Pour ce faire, de plus en plus de postes du secteur public exigent la connaissance de l’anglais. Pour contrer ce glissement vers le bilinguisme institutionnel, PQF fait des représentations afin d’en appeler à l’exemplarité de l’État en matière de respect de notre langue officielle. Par la même occasion, il s’agit de faire valoir le droit de travailler en français dans les institutions publiques québécoises.
Partenaire pour un Québec français demande :
- Que la Charte prescrive la démarche de certification aux institutions de l’Administration;
- Que des comités de francisation, tel que prévu au chapitre de la francisation des entreprises, soient instaurés dans les institutions de l’Administration;
- Que soit ajouté à l’article 16 de la Charte le mot «uniquement» tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en 2002; exclure l’option concernant la possibilité de modifier son application par voie réglementaire;
- Que la Charte de la langue française soit modifiée afin que les services de la fonction publique du Québec soient offerts exclusivement en français, sauf les services susceptibles d’être reconnus en vertu de l’article 29,1, ou ceux qui impliquent des échanges avec l’extérieur du Québec ou le tourisme. Cette mesure doit être étendue aux services de la fonction publique québécoise tels que la Société de l’assurance automobile du Québec, la Régie de l’assurance maladie du Québec, Revenu Québec, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, etc;
- Que l’article 27 de la Charte soit modifié afin que dans les services de santé et les services sociaux, les pièces versées aux dossiers cliniques soient toujours en français et non pas à la convenance du rédacteur (article 27), sauf pour les établissements visés par l’article 29,1;
- Que l’OQLF soit mandaté afin d’appliquer la loi 101 dans l’attribution et la révocation du statut linguistique en vertu de l’article 29,1. Une évaluation du statut linguistique devrait avoir lieu tous les 5 ans;
- Que le statut des organismes reconnus en vertu de l’article 29.1 de la Charte soit modifié afin d’assurer que les communications internes se fassent en français. L’article 20 doit être modifié afin que, dans ces institutions comme pour l’ensemble de la fonction publique, tout membre du personnel puisse communiquer dans la langue officielle afin que soient accessibles en tout temps des services de qualité en français;
- Que la langue d’accueil des organismes reconnus en vertu de l’article 29.1 soit en tout temps le français;
- Que la Politique gouvernementale relative à l’emploi et à la qualité de la langue française dans l’Administration soit étendue et appliquée rigoureusement aux organismes municipaux et scolaires, aux cégeps et aux universités, aux organismes de santé et de services sociaux ainsi qu’aux sociétés de financement et d’investissement;
- Que la tâche de s’assurer que l’Administration met en application les dispositions de la Politique gouvernementale relative à l’emploi et à la qualité de la langue française dans l’Administration soit aussi confiée au Vérificateur général du Québec;
- Que le point 22 de la Politique gouvernementale relative à l’emploi et à la qualité de la langue française dans l’Administration voulant qu’aucun contrat, subvention ni avantage ne soit offert à une entreprise, si elle n’a pas d’attestation d’application de programme ni de certificat de francisation délivré par l’Office de la langue française, soit appliqué rigoureusement. Il doit être intégré à l’article 205 de la Charte sur les infractions et les peines encourues;